Compagnie de la Bête Noire

L'enfant sauvage

L'enfant sauvage ⊢2016⊣

  • Prix SACD de la Dramaturgie Francophone (France)
  • Meilleure autrice belge au Prix de la Critique 2016
  • Nominé meilleur seul en scène au Prix de la critique 2016
  • Spectacle reconnu d’utilité publique par la Cocof
  • Prix de l’écriture dramatique de la ville de Guérande 2015
  • Coup de coeur du bureau de lecture de France Culture
  • Prix des arts de la scène de la Province de Hainaut
  • Texte édité chez Lansman

On a trouvé une enfant sauvage sur la Place du jeu de balle. Ses cris s’entendaient de loin ; on la voyait se mordre et saliver comme une bête. Au milieu de la foule et de l’indifférence, un homme s’intéresse à elle, tente de l’arracher à l’oubli. Il s’appelle « un homme », ça aurait pu être un autre. Ce qu’il nous raconte, c’est la réalité qu’il découvre derrière les mots : accueil d’urgence, père, administration, parrainage, home, procédure, juge, famille d’accueil, …

Dans ce monologue poignant, Céline Delbecq nous fait pénétrer une réalité qu’elle connaît bien. Comme toujours, elle ose aborder les sujets les plus durs avec une humanité vivifiante, ouvrant des espaces de parole précieux, plaçant la fonction théâtrale au cœur des nécessités sociétales. Et inversement. Un acte théâtral essentiel qui alerte sur une situation de pénurie. Et fait le pari fou de trouver 200 nouvelles familles d’accueil.

Distribution

Écriture et mise en scène Céline Delbecq | Avec Thierry Hellin | Création sonore Pierre Kissling | Création lumière Clément Papin | Régie Clément Papin, Isabelle Derr, Bilal El Arrasi (en alternance) | Scénographie Delphine Coers | Assistants à la mise en scène Charlotte Villalonga, Gaëtan D’Agostino | Stagiaire Camille Delhaye | Production et diffusion Stéphanie Barboteau BLOOM Project.
Merci à Catherine Pierquin et Marilou K. pour leur participation ainsi qu’aux enfants Johnny, Aline, Louane, Alice, Manuel, Nelson, Sherryl, Leslie, Emmanuel, Michael, Julien, Romain, Mirco, Alan et Luciano pour leurs témoignages.

Production solidaire et collective

La Compagnie de la Bête Noire, le Centre Culturel Régional de Dinant, la Maison de la Culture de Tournai, l’Atelier 210, le Théâtre 140, le Rideau de Bruxelles, la Maison Culturelle d’Ath, les Centres Culturels de Beauraing, Engis, Gembloux, Ottignies et du Brabant Wallon, et BLOOM Project.

Partenaires

Avec l’aide du Centre des Ecritures Dramatiques Wallonie-Bruxelles, Théâtre Océan Nord, de La Roseraie, du Théâtre Marni, les Centres Culturels Jacques Franck, Riches-Claires, Saint-Ghislain et du Festival Paroles d’Hommes.
Avec le soutien de la Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon - Centre National des écritures du spectacle, Wallonie-Bruxelles Théâtre/ Danse, Bourse du Comité Mixte/Fédération Wallonie-Bruxelles, le Service de la Promotion des Lettres du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de Wallonie Bruxelles International ; du Théâtre des Doms, de la Manufacture et de la Fondation Lippens.

Scène 1 : Un gosse

UN HOMME, ordinaire :

C’est parce que c’est un gosse que je me suis arrêté. Je sais pas dire quel âge il a, mais que c’est un gosse, ça se voit.

Y est là que je le trouve sur la place du jeu de balle juste après le marché, tous y remballent encore leurs puces et le gosse y est là tout seul qu’y parle pas. Je lui demande « Tes parents, y sont où ? », y répond pas avec des mots : y crie quand je m’approche. Des cris qui sont pas des d’enfants. Y en a qui se lèvent des terrasses, sortent des magasins voir ce qui passe, un gosse qui hurle comme ça c’est pas normal. La poissonnière elle lui parle en flamand waar zijn je ouders - ça marche pas non plus. Tout le monde y va de ses questions en toutes les langues du quartier, portugais, arabe, flamand sur l’âge qu’il a ou si c’est garçon ou fille jusqu’à ce y en ait un qui dise « Vos gueules, y comprend pas ! C’est un enfant sauvage qui cause la langue des bêtes ». Là, y a un silence. Le même pour toutes les langues. Je regarde le gosse avec de la force comme on regarde un chien pour voir si y est gentil ou pas, mais dans son regard... Y a rien.

Je lui veux pas de mal : si je reste là, c’est que je trouve pas ça normal qu’un gosse -parce que c’est un gosse, ça se voit- soit tout seul dans cet état sur la place du jeu de balle à la fin de la brocante. Comme si y était à vendre et qu’y a personne qui l’a pris. Y est oublié sur la place du jeu de balle, y se gratte la tête. Un gosse trouvé comme ça, qui parle pas, qui a les cheveux qui vont dans tous les sens, un enfant sauvage, je me dis qu’un gosse comme ça, sauvage et qui se gratte la tête, c’est normal que ça ait des poux. Je peux pas rien faire.

C’est pas mon genre de fouiner ou de me mêler de ce qui regarde pas. J’étais là pour dîner, rien d’autre. C’est la routine, le vendredi on prend un stoemp chez Josiane avec quelques collègues. C’est le hasard qu’a fait qu’on était là, le hasard que le gosse aussi y était là, qu’on était là pareil et qu’on s’est arrêté parce que c’est pas normal, un gosse tout seul dans cet état qui pousse des cris de bêtes. Est-ce que, vous, vous auriez continué votre route ?

(...)

Un texte solide et poignant
Françoise Lison Leroy, L’Avenir, 5/01/2016 

On a beau se dire que cette fois-ci, on ne se laissera pas faire, qu’on va serrer les dents, qu’on ne va pas verser cette maudite larme qui fait sourire vos voisins de siège les plus impassibles, mais rien à faire : à chaque nouvelle pièce de Céline Delbecq, on a les tripes retournées et l’esprit barbouillé.
Catherine Makereel, Le Soir, 13/01/2016 

« Une écriture qui ose les fêlures, s’imbibe du réel, s’enivre parfois jusqu’au lyrisme, se hérisse d’échardes » 
Marie Baudet, La Libre Belgique, 15/01/2016 

« Plongeuse en eaux troubles, Céline Delbecq fouille dans ce qu’on aime ignorer » 
Cécile Berthaud, l’Echo, 16/01/2016 

« Un excellent comédien porte avec force la poignante œuvre de Céline Delbecq » 
Françoise Lison Leroy, L’Avenir, 25/01/2016 

« La jeune auteure belge fait preuve d’un doigté extraordinaire pour parler de sujets lourds. On retrouve sa patte emprunte de finesse et de sensibilité. Soutenue par le jeu sans excès de Thierry Hellin ». 
Cécile Berthaud, L’Echo, 26/01/2016 

« Thierry Hellin est d’une justesse éblouissante. A l’écriture et à la mise en scène, Céline Delbecq touche en plein cœur » **** 
Catherine Makereel, Le Soir, 27/01/2016 

« Thierry Hellin déploie des trésors de subtilité. Un grand spectacle tout simple qui ne peut laisser personne indifférent » 
Christian Jade, Rtbf.be, 16/02/2016 

« Céline Delbecq est un mélange de poésie et de force, et parfois quelque chose nous échappe. Dans L’Enfant sauvage, elle écrit avec le ventre, avec la peau, avec les yeux. Dans ses mots, il y a toutes ces choses qu’on ne peut pas dire ou qu’on ne veut pas voir. Et si notre cœur est en dehors à chaque fois que ses mots nous touchent, c’est parce que toute la vie se trouve dans ses histoires et dans sa subtile manière de nous les raconter. (…) 
Thierry Hellin transperce le corps et le cœur des spectateurs » 
Sébastien Hannesse, Critique Demandez le programme, 22/02/2016

 

1. Rencontre

Au Théâtre 140, le 5 février 2016, à 19h.

Catherine Pierquin, éducatrice dans le secteur de l’enfance et la jeunesse depuis 25 ans, animera une rencontre autour de la nécessité des familles d’accueil.
Elle s’entretiendra avec des personnes touchées de près par le sujet : jeunes placés ou sortants des institutions, familles d’accueil, etc.
Des termes, d’apparence un peu complexes, Institution, accueil d’urgence, parrainage, accueil à moyen et long terme, seront mis en lumière
Une rencontre avec le public permettra à celui-ci de poser toutes les questions autour de l’accueil d’un enfant ou d’un ado.
Cette soirée est gratuite, mais il est préférable de s’inscrire soit par mail (tickets@theatre140.be), soit en téléphonant au 02 733 97 08.

2. Capsules video

À la sortie du spectacle, un téléviseur placé au bar ou dans un couloir diffusera quelques courtes capsules vidéo d’interviews d’enfants et d’adolescents placés par le juge. Les spectateurs désireux de mélanger fiction et réalité pourront s’installer et prendre le temps de les écouter. La totalité des capsules ne dépassera pas les 20 à 30 minutes (en cours de montage).

3. Lexique & Contacts

L’accueil

L’accueil, qu’est-ce que c’est ?

Par suite de difficultés non surmontées vécues au sein de sa famille, l’enfant confié en accueil a besoin pendant un certain temps d’une famille–relais pour continuer à grandir dans un climat serein, sécurisant, entouré par des adultes attentifs et chaleureux.

L’accueil se situe donc au point de rencontre :

  • d’une famille en difficulté telle qu’elle n’est pas en mesure d’assumer son enfant au quotidien
  • d’un enfant en souffrance
  • d’instances officielles estimant qu’une orientation vers une famille d’accueil lui serait bénéfique
  • d’une famille, avec ses richesses et ses limites, désireuse de tendre la main à cet enfant, dans le respect de son histoire et de sa personne, pour lui donner une nouvelle chance.

Bref, accueillir un enfant, c’est :

  • marquer concrètement sa solidarité envers un enfant en difficulté
  • accueillir tel qu’il est un enfant en souffrance pour l’aider à construire sa propre personnalité et à se socialiser
  • respecter sa famille de naissance et son histoire
  • collaborer avec les intervenants professionnels, leur partager notre connaissance de l’enfant, savoir que nous avons le droit d’être aidés dans notre tâche
  • parfois aussi, c’est se battre pour que les meilleures décisions possibles soient prises pour l’enfant.
Accueil / Adoption

Ce qui différencie surtout l’accueil de l’adoption c’est que la famille d’accueil prend en charge des enfants qui ne seront pas les siens. Ces enfants en accueil “appartiennent” toujours à leurs parents de naissance (habituellement, ils ne sont pas déchus du droit parental), mais ils sont confiés à la collectivité.

A cause de ce fait, la famille d’accueil a des “comptes à rendre” à plusieurs organismes (service de placement, Juge de la Jeunesse, Service de Protection Judiciaire, Service d’Aide à la Jeunesse, etc.…). Le contrôle exercé par ces différents acteurs sur la famille d’accueil peut donc parfois être ressenticomme contraignant. Accueillir ce n’est pas avoir la même autorité sur l’enfant que celle que l’on a vis-à-vis d’un enfant naturel ou adopté. L’accueil a ses particularités : l’enfant ne porte pas le nom des parents d’accueil ; l’enfant vient avec son passé et ses souffrances ; l’enfant est placé par une institution, qui le suit ; l’enfant a une mère et un père biologiques, une famille d’origine. Accueillir un enfant c’est aussi et surtout gérer tout cela au mieux.

Les différents types d’accueil

On peut schématiquement distinguer trois types d’accueil selon les caractéristiques de la situation du jeune : l’accueil à moyen/long terme, à court terme ou l’accueil d’urgence. Ils s’adressent à des enfants et/ou des jeunes de 0 à 18 ans.

Accueil à moyen et long terme

L’autorité mandante s’oriente vers ce type d’accueil lorsque d’autres moyens d’aide n’ont pas porté leurs fruits. L’enfant est en attente d’une vie de famille que ses parents ne peuvent pas lui offrir avant longtemps. Les familles candidates pour un tel accueil acceptent un engagement qui peut durer plusieurs années, jusqu’à 18 ans si nécessaire. Durant tout l’accueil, le Service de Placement Familial est attentif à soutenir les relations entre l’enfant et ses parents.

Accueil à court terme

Il s’agit ici de situations où un accueil court est requis (3 mois éventuellement renouvelables deux fois). Dans ces cas, les parents et le jeune doivent être aidés pendant quelques mois. Cette période est mise à profit afin de faire le point sur les difficultés familiales et proposer des pistes pour l’après-accueil. Les familles accueillantes sont préparées aux spécificités d’un accueil de courte durée.

L’accueil d’urgence

En cas de crise, de danger ou d’urgence, ce type d’accueil familial peut s’organiser très rapidement et dure de quelques jours à 45 jours maximum. Les familles sont prêtes à accueillir le jour même si nécessaire. La période d’accueil permet une mise à distance parents/enfant dans un moment de crise familiale aiguë : ce temps est utilisé pour préparer avec le jeune et sa famille, son retour si possible, ou une autre solution si ce retour ne peut se faire directement.

En savoir + : L'accueil et le placement et lesfamillesdaccueil.be

Le parrainage

Le parrainage est conçu comme la construction d’une relation affective privilégiée instituée entre un enfant et un adulte ou une famille et consiste en l’accueil bénévole de façon ponctuelle et régulière (certains week-ends et temps de vacances), d’un enfant en difficulté familiale, dans le but de lui apporter une stabilité affective et un apport éducatif sans jamais se substituer à ses parents. Il s’adresse à des enfants jusque 12 ans.

En savoir + : parrain-ami.org

4. Parole d’une éducatrice

Catherine Pierquin est éducatrice spécialisée à l’institution les Glanures, à Hornu. Elle est également la présidente de la Compagnie de la Bête Noire. Elle sera l’une des personnes que le public pourra rencontrer à l’issue des représentations.

Vingt et un ans déjà que je travaille comme éducatrice spécialisée dans l’aide à la jeunesse, vingt et une années de terrain qui pèsent pourtant moins lourd que les lois censées réguler les injustices sociales.

Trois ans que Léa est sur une liste d’attente pour partir en famille d’accueil. Aujourd’hui, elle a 8 ans : un âge qui réduit ses chances d’en trouver une. Car un enfant de 8 ans, c’est moins interpellant qu’un bébé de six mois. Ca plaît moins.

Quand nous faisons le choix de placer un enfant en famille d’accueil, il y a toujours, en amont, un travail intensif de remobilisation des parents de naissance. Le décret 91 de l’aide à la jeunesse privilégie en effet le maintien (ou la restauration) des liens familiaux : L’hébergement de l’enfant hors du milieu familial est d’ordre exceptionnel et temporaire.
"Temporaire", ça fait peur aux éventuels candidats d’accueil... Qui voudraient que l’enfant devienne le leur.

Pourtant, on parvient de moins en moins à réinsérer des enfants dans leur milieu familial d’origine. On rencontre de plus en plus de situations proches de la maladie mentale, de parents alcooliques profonds voire drogués. Il y a une énorme instabilité en matière de logement, de travail. Ces parents défaillants, déstructurés, ont souvent connu des parcours chaotiques durant leur propre enfance. Ils ne peuvent plus offrir un cadre éducatif sécurisant et épanouissant.

En cas de danger grave, le juge peut prendre la décision d’un placement immédiat de l’enfant.... mais... les listes d’attente pour concrétiser un placement en institution sont énormes, dantesques, éléphantesques..... Les conséquences sont désastreuses et des enfants en danger sont parfois gardés à l’hôpital parce qu’il n’y a pas de place en pouponnière ou en institution. Il existe aussi des situations de maltraitance qui sont maintenues parce qu’il n’y a pas de solution d’hébergement. Les dérapages sont donc inévitables.

Promouvoir l’accueil familial, le parrainage, permettrait de libérer des places dans les institutions mais offrirait surtout aux enfants accueillis la possibilité de grandir dans une famille chaleureuse et ouverte, tout en restant loyal envers sa maman et son papa. La famille d’accueil a une responsabilité particulière, puisqu’elle remplit un rôle éducatif et affectif sans remplacer les parents.

Il nous faut avant tout avoir des familles potentielles, là aussi un manque cruel de candidat se fait sentir.

Le secteur de l’aide à la jeunesse souffre, les jeunes souffrent, les familles souffrent.... et personne ne descend dans la rue car les éducateurs et les assistants sociaux ne rapportent rien... Nous recevons les moyens au compte-gouttes (et encore ce sont les restes des restes).

Investir dans la petite enfance c’est avoir une approche préventive : Un ado qui vole à l’étalage, qui vole une voiture, aura une réponse immédiate ; un bébé qui refuse de se nourrir car il est en rupture de lien restera sur son lit d’hôpital... Si on prenait soin de la petite enfance en danger, cela occasionnerait moins de préoccupations sécuritaires à leur passage à l’adolescence.

En janvier 2014, les assistantes sociales n’ont plus le choix, les chiffres sont criants et les services d’aide à la jeunesse partent enfin en grève :

« Plus de 38 000 enfants et jeunes en danger ou en difficulté ont été pris en charge (au moins un jour) par un service d’aide à la jeunesse en 2011 (derniers chiffres disponibles). Sur la même période, 3 600 jeunes ayant commis un fait qualifié infraction ont été encadrés. Selon les services d’aide à la jeunesse, il n’existerait que 9 000 possibilités de prise en charge dans des services agréés ; le budget "mineurs délinquants" engloutirait 80 % de l’enveloppe "aide à la jeunesse". Du coup, sur le terrain, les professionnels écopent. »
La Libre Belgique, 19/01/2014

Si ça ce n’est pas une urgence, si ça ce n’est pas un problème sociétal majeur, si ça ne mérite pas d’être débattu en public ; alors il ne nous restera plus qu’à investir dans un terrain pour enterrer les cadavres de l’enfance.

Catherine Pierquin

5. En savoir plus

Les familles d’accueil

Le parrainage

Services d’accueil du réseau Afea