Compagnie de la Bête Noire

Supernova

Supernova ⊢2011⊣

Texte de Catherine Daele lauréat des prix metteurs en scène belges et étrangers 2010. 

Parce que leur père a souvent besoin de la maison, Rachel et son frère Brésil ont adopté le terrain vague pour territoire. C’est la que Mathilde aime rejoindre Rachel. Mais un avis les met en alerte. Il annonce un projet de construction qui les privera de leur seul repère. Avec les moyens du bord, le trio tente de sauver son seul bien. 

Catherine Daele nous amène par une écriture simple a un réalisme désarmant face a de jeunes etres brisés dont les notions de bien et de mal se sont effondrées vers un abyme sans fond. Le chemin vers la lumiere ne s’effectue qu’en clair-obscur.

DISTRIBUTION

Mise en scene Céline Delbecq | Assistante Marion Hutereau | Avec Seb Bonnamy, Louise Manteau, Charlotte Villalonga | Création Lumiere Laurence Adam (2011), Clément Papin (2013) | Création Sonore Laurent Laigneaux | Scénographie Cécile Balate | Chorégraphie Charlotte Villalonga | Régie Clément Papin (2013) | Photos Sylvie Moris

Production

Production Compagnie de la Bete Noire.

Avec l'aide et le soutien de la Maison de la Culture de Tournai, le Moulin de St Denis et le Centre Culturel de Bastogne.

Quand la lecture de Supernova, le dernier texte de Catherine Daele, se termine, il reste quelque chose en nous. Un malaise dans le silence. Un écho de ses mots, ses mots durs et sensibles qui viennent de nous peindre une réalité extraordinairement bien rendue. Car si le malaise persiste, c’est que les sujets abordés sont traités avec beaucoup de justesse. Dès l’instant où la dernière page se tourne, nous ne pouvons plus fermer les yeux sur la brutalité de l’adolescence et l’absence de réponse que lui offre le monde adulte. 

La nécessité de mettre en scène Supernova s’est donc très vite emparée de moi. Comme pour répondre à ma propre jeunesse : « maintenant, on va vous écouter ». 

Le texte aborde les questions de la pédophilie incestueuse, des transformations du corps a l’adolescence, de la sexualité au sens large du terme, de la notion du bien et du mal, de l'absence de communication,… mais toutes ces questions réunissent une seule douleur, une vaste plaie : à qui parler quand on a quatorze ans ? 

Je ne sais pas s’il y a une réponse à cette question. Probablement que non. Probablement que les choses sont ainsi faites et qu’il est de nos destins de passer par ce sas qui sépare l’enfance de l’âge adulte. Mais cela ne m’intéresse pas de comprendre ou de répondre à la confusion et à la violence de Rachel, Mathilde et Brésil. Je cherche à mettre en évidence en quoi cette confusion et cette violence nous concernent tous et témoignent d’un mal de notre temps. 

Je sais par avance qu’il sera difficile d’imposer Supernova dans le milieu du théâtre jeune public. Nous avons pu remarquer avec Le Hibou que, malgré l’engouement de départ, il n’a été que peu programmé. Je comprends que les programmateurs doivent assurer des salles remplies, que les professeurs craignent que des parents se retournent contre eux,... Mais je sais aussi à quel point Le Hibou s’est toujours très bien déroulé avec les jeunes et que les débats avec eux étaient des plus passionnants. Les tabous n’aident pas la jeunesse, ils l’étouffent. 

Je ne ferais pas ce métier si je n’étais pas convaincue qu’une pièce de théâtre pouvait avoir de l’influence sur son spectateur et pouvait, même de manière infime, changer le cours des choses. Aujourd’hui, je crois profondément en Supernova et suis prête à me battre longtemps. 

Une supernova est une étoile qui brille très fort avant de s’éteindre, il en est de même pour le texte de Catherine Daele qui explose en un grand cri avant de nous confronter au silence de notre propre réalité. 

Céline Delbecq, 2011

Scene 2 : Rachel 

En scène, Rachel et Brésil

RACHEL : Je t’assure quand Mathilde arrive tu nous fous la paix cette fois, je veux que ça change ton melage de mes affaires et tu vas faire tes merdes plus loin t’as compris ? 

BRESIL : …

RACHEL : Je veux pas te voir a moins de cinq metres de nous, ça commence a bien faire... 

BRESIL : …

RACHEL : Et t’as pas intéret a m’écouter ce qu’on se dit c’est pas tes patates

BRESIL : … 

RACHEL : C’est pas parce que t’as douze ans ces vacances de cette année que tu vas commencer a me coller. Papa nous fout ok d’accord dehors c’est comme ça toujours de toute façon avec moi, mais toi, toi tu vas pas te commencer a meler de mes affaires en plus et de ma pote parce que t’as le droit de venir ici... Compris ? 

BRESIL : J’ai pas besoin de toi qu’est ce que tu crois ? 

RACHEL : Ouais c’est ça, tu joues a la colle depuis le début des vacances, depuis la un mois, depuis que tu peux te sortir cette année tu traînes ici avec nous. Je te dis moi ça m’arrangeait mieux que tu sois comme d’hab’ dans ta chambre. 

BRESIL : Je colle pas, c’est toi qui crois ça. Je suis ici quand t’es pas la parfois mais ça tu n’en sais rien, rien. C’est pas qu’a toi ici. Je suis la sans cesse moi. Sans cesse. 

RACHEL : Non c’est pas qu’a moi mais quand meme on peut dire un peu. J’étais ici avant toi je te confirme alors tu peux venir ok parce que je sais bien qu’il n’y a rien d’autre dans le coin et que t’as de la chance de pouvoir te sortir de ta chambre. Et que je suis ta sour, que je veux pas etre méchante. Je sais pas pourquoi c’est comme ça d’ailleurs cette année. Alors tu restes dans ta partie la derriere a me bidouiller tes magouilles que je veux meme pas savoir ce que tu trifouilles dans ta terre la, ça pue de toute façon je le sais tellement que je veux meme pas savoir. 

BRESIL : C’est ma galaxie. 

RACHEL : Ouais, ta galaxie, c’est ça ton probleme. Je veux meme pas savoir tu situes ? Mais je te colmate quand tu m’écoutes avec Mathilde et ton air de pas nous y toucher. Tu crois que je te cerne pas ? 

BRESIL : Ta Mathilde, alors la si tu savais, tout ce que vous vous dites, alors la faudrait etre débile pour avoir envie de savoir ce qu’il se passe dans vos tetes la de « disjonctées de deuxieme classe ». 

RACHEL : Ouais ouais de disjonctées c’est ça tu la fermes maintenant t’as compris ? Ta deuxieme classe tu te la refous au fond de la gorge bien loin et tu vas te taper tes kilos de petit con dans ton coin. Ok ? La t’es sur ma partie alors tu la fermes. Je veux plus entendre ta voix de fillette, la. Va me faire tes affaires la, décolle-moi de ton petit cul qui pue. 

BRESIL : C’est ça, c’est ça... 

Brésil s’éloigne. Il taille des bois avec un couteau et chipote avec des cordes.

Le jeu brut, tendu, des trois comédiens et la noirceur du scénario nous accrochent solidement à ce spectacle 
Catherine Makereel, Le Soir, 24 août 2011

C’est dire combien « Supernova » est un spectacle nécessaire, à situer dans la lignée d’un Edward Bond. 
Michel Voiturier, Rue du Théâtre, 24 août 2011